Tchad: pénurie d’essence et les commerçants deviennent rois

10 octobre 2014

Tchad: pénurie d’essence et les commerçants deviennent rois

Crédit photo: Emmanuel Djounoumbi
Crédit photo: Emmanuel Djounoumbi

 

Pays pétrolier, le Tchad ne jouit pas parfaitement de ce rang. Exploité depuis 2003, le brut tchadien malgré les revenus énormes n’a profité à la population que sur certains secteurs négligeables. La construction de la première raffinerie en 2011 a été vécue par la population comme un signe de décollage pour le pays. Seulement après trois ans de fonctionnement, voilà le dysfonctionnement. Une simple rumeur crée la pénurie d’essence dans la capitale. Une pénurie artificielle selon l’expression des autorités de Ndjaména. Les commerçants sont devenus rois en quelques jours.

Une rumeur qui a fait tout chamboulé

Tout part d’après le gouvernement, d’une rumeur selon laquelle, la raffinerie serait fermée pour une période de 45 jours afin de réviser les installations. Les commerçants tchadiens, habitués aux gains faciles ont profité de cette fausse alerte pour stocker l’essence chez eux. Pourtant, la raffinerie n’est pas encore fermée et dans le cas où elle fermerait, les dispositions seraient prises pour ravitailler les stations-service. Pourquoi cette fuite d’information sur l’éventuelle fermeture de la raffinerie? Que vivra la population, au cas où la raffinerie fermerait ?

Au Tchad, l’Etat se confond aux commerçants. Je veux parler ici de ces hommes politiques et des fonctionnaires qui font le commerce. En effet, les agents de la fonction publique tchadienne, pour ceux qui sont bien placés, multiplient les opportunités d’affaires dans tous les secteurs d’activités. On rencontre dans ce pays des ministres commerçants, des hauts gradés de l’armée commerçants, des enseignants commerçants, etc. Dans ce cas, toute décision prise contre les commerçants ne pourrait aboutir. Créer la spéculation avantage tout ce beau monde. Les complices des commerçants sont au sein du gouvernement. Sans cela, il n’y aurait pas fuite d’information sur l’éventuelle fermeture de la raffinerie.

L’essence « made in Chad » n’est pas trop appréciée par les consommateurs qui disent souvent qu’elle est trop faible. Ce constat est fait par comparaison à l’essence du Nigeria et du Cameroun. Le trafic de l’essence en provenance des pays voisins a été interdit pour faire face à la concurrence. Tout le monde est donc condamné à s’approvisionner en essence locale. Au départ, les produits pétroliers issus de la raffinerie se faisaient rares sur le marché. Le gouvernement a tout de même fait l’effort de les rendre disponibles.

Des stations qui ne respectent même pas les normes, un danger pour la population

Les stations se sont multipliées dans un désordre total. Sauf quelques grandes entreprises construisent les stations en respectant les normes. Dans un pays où il fait trop chaud, où l’on fume partout, on ne pèse pas encore les risques. Les stations-service sont voisines les unes des autres. Aucune disposition de sécurité pour la plupart d’entre elles. C’est ridicule dans ce pays où l’on fait tout à main levée. La guerre nous a t-elle traumatisée?

Attaquons à présent cette crise qu’on vit actuellement à Ndjamena. Pas d’essence et la plupart des stations restent fermées. Du coup, les prix ont grimpé et avec tous les services liés à cette source d’énergie. Pour avoir l’essence à un prix abordable, il faut quitter chez soi très tôt le matin pour faire la queue dans les stations-services. Fixé habituellement à moins de 500 FCFA le litre dans les stations et à 500 FCFA aux quartiers, il faut désormais débourser le double voire le triple pour seulement payer un litre. Toutefois, le prix à la pompe reste intact mais l’embouteillage ne permet pas à tout le monde de s’y approvisionner.

Dans la soirée du 04 octobre, j’ai fait un petit tour en ville pour vivre la réalité. J’ai payé un litre d’essence à 1250 FCFA. C’est presque le triple du prix habituel. Chacun fixe son prix. Dans tout cela, il faut être chanceux pour acheter un litre. On s’arrache les bouteilles et se sert soi même. Les commerçants sont rois en cette période.

Tous les services liés à l’essence ont doublé de prix. Au Tchad où on fait face à un réel problème d’électricité, les charges des appareils portables se font dans des kiosques appelés « Cabine téléphonique ». Avant la crise un téléphone se chargeait à 100 FCFA mais aujourd’hui il faut débourser 200 FCFA.

Le pétrole tchadien ne profite pas à la population mais à une classe de privilégiés du pouvoir

Nous vivons le calvaire dans ce pays. Nous sommes déjà en droit de se poser la question de savoir à qui profite réellement ce pétrole? Nous sommes un pays pétrolier mais ce que nous vivons, c’est la honte. Avant la construction de la raffinerie, nous n’avons jamais vécu cette situation. L’essence coûtait aussi moins cher. La raffinerie n’a rien apporté de neuf. D’ailleurs cette usine ne produit pas ce que beaucoup de ménages attendent: le pétrole lampant.

Où est l’Etat dans tout cela ?

Ici l’Etat est trop faible. Les commerçants ont toujours défié les décisions du gouvernement. Les décisions prises sont des flatteries visant à prouver au bas peuple qu’on fait des efforts pour atténuer la crise. Le gouvernement a décidé de confier la livraison des produits pétroliers à la Société d’Hydrocarbures du Tchad qui à son tour les livrent aux entreprises éligibles. La vente de l’essence en détails dans les rues est désormais interdite. Les citernes sont convoyées par les militaires pour éviter tout détournement. Une page publicitaire dénommée « La minute de la SHT» fait désormais le tour des radios de la place et un numéro est mis à la disposition des consommateurs. Toutes ces mesures drastiques pourront être évaluées dans les jours qui suivent. En attendant la crise poursuit son chemin dans le pays et la capitale économique est désormais touchée.

Dans ces conditions, comment être un pays émergent en 2025 ?

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